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Interview C2C – 2012

Multi-champions du monde DMC, MC ou producteurs reconnus en solos, le quatuor électronique C2C (pour COUP 2 CROSS le nom du crew en championnat), s’est imposé comme le phénomène à ne pas manquer dans un casque ou sur une scène ! D’ailleurs, les festivals l’ont bien compris, les C2C sont à l’affiche des principaux rendez-vous cet été, dont les Rock en Seine. Il faut dire que les quatre garçons ont plutôt du talent et ne manquent pas d’idées fraîches quand il s’agit de passer derrière les platines ! DJ Atom, DJ Pfel et 20Syl on gentiment pris le temps d’une interview pour Adnsound, histoire de revenir sur la genèse du projet et la place du turntablisme à la mode de chez nous dans le monde.

Adnsound : Pour commencer que nous vaut ce passage de la scène au studio ?

20Syl : Il y a depuis 2005 qu’on se dit que c’est le moment, nous avions déjà sorti quelques breakbeats surtout à destination des DJ en tant qu’outil, nous avons toujours eu cette volonté de presser des CD, Hocus Pocus et Beat Torrent en ont d’ailleurs sorti à l’époque ! Mais dans le fond ce que nous faisions avec C2C dans le cadre des championnats était avant tout des créations, des compositions musicales que nous aimions et qui ont même pour certaines donné lieu à des morceaux sorti sur des albums comme Moove On ou Feel good. Cette volonté de sortir un album a toujours été très présente, notamment après avoir remporté  les championnats du monde, pour passer à une autre étape, monter un vrai show et avoir un format construit comme un groupe traditionnel.

Atom : Et puis le passage du live au studio n’est pas finalement une étape en soit, un prolongement plutôt de ce que nous faisions à l’époque des DMC, car pour monter sur scène il nous fallait passer forcément par une phase de production sonore en studio, à partir de 2003 en tout cas, car sur les premiers show nous aimions dénicher des disques, mais assez vite nous avons commencé à faire nos propres sons, à enregistrer des musiciens et à presser nos vinyles pour les contest. Finalement nous avons la même façon de procéder depuis le début … On bosse en studio avant de passer au live.

Adnsound : Les formats enregistrés sont compatibles avec une diffusion radio … J’imagine que vous en avez des versions étendues …

20Syl : Sur support physique nous avons voulu des titres efficaces en longueur. Mais à y regarder de près un titre comme Fuya dépasse tout de même la barre des 5 minutes ce qui permet de développer le propos mais dans l’ensemble, à moins de faire de la musique classique ou du jazz avec des développements de fou, c’est difficile, surtout dans l’électro qui repose sur le sampling et les boucles, de ne pas tomber dans la redondance au bout de 4 minutes … Du coup pour nous, la notion d’efficacité est naturelle et ça génère un format, involontaire. C’est d’ailleurs une optique qui nous vient de la scène car les titres en live ne sont pas beaucoup plus longs malgré le besoin de performance visuelle … Dans l’ensemble ce que nous jouons reste très fidèle à l’album.

Adnsound : Selon les titres il y a vraiment des atmosphères différentes … comment sont nés les univers qui constituent ce patchwork sonore ?

Atom
: C’est justement ce qui fait la particularité du projet, c’est qu’il n’y a pas de style propre à C2C. Même si des bases très hip-hop demeurent en background, nous avons tous les 4 un univers musical différent. Lorsque nous avons commencé à travailler sur l’album, nous avons débuté par une grosse session d’un mois de maquettage… En un mois nous avons fait une centaine de maquettes… Il y en avait certaines qui étaient le fruit d’une jam à trois ou à quatre et d’autres que nous produisions chacun dans notre coin avec l’ordi au casque. Du coup, du fait à la fois qu’on est tous chargé d’influences différentes et que l’on ne s’est pas mis de barrière sur ce projet, on a pas hésité à tenter un jour une instru aux sonorités métal et le lendemain de faire un truc complètement jazzy… Sur Hocus Pocus par exemple, il y a cette limite, en tout cas un cadre, d’un rap en Français sur fond très soul ..

Adnsound : Comment est né le titre FUYA, qui flotte à mi chemin entre électro épaisse et Kabuki traditionnel ?

20Syl : D’une loops d’un vieux CD que j’ai ramené du Japon. C’est parti d’une maquette que nous n’avions même pas retenue à la base, qui nous avait fait beaucoup délirer sur le moment. Je me souviens bien qu’avec Ben nous avions pondu cette ligne de basse très très grasse, ensuite il y a Atom et Grim qui nous ont rejoint et nous avons commencé à nous lâcher sur le gimmick FU FU FUYA, qui n’est même pas resté dans le morceau d’ailleurs, mais qui lui a donné son titre … Nous l’avons cependant mis de côté car au début nous le considérions comme un délire plus qu’une maquette, c’est en le faisant écouter à d’autres personnes et en prenant un peu de recul que ce titre est revenu naturellement.

Atom: Le déclic est arrivé quand nous avons commencé à le travailler tous ensemble, à y ajouter cette touche d’émotion des harmonies un peu plus travaillées, des passages de voix aussi. D’une petite boucle de Koto (intrument japonais utilisé notament dans le théatre traditionnel) et d’un beat assez fat, nous avons tous été stimulés, il y a eu une vraie émulation en studio. De deux petits éléments sonores nous avons finalement eu l’impression de composer une sorte de BO.

Adnsound : Ce fut d’ailleurs une belle surprise pour nous de voir que c’était ce titre, pas forcément le plus accessible, qui avait été retenu en tant que premier single !

Pfel : C’est là toute la difficulté d’isoler un titre dans un projet comme C2C, si tu débarques avec Down the Road, on va penser que tu veux revenir pour faire danser ton public, avec the Beat, on va te ranger dans la case Hip-Hop / Funk … Finalement le fait d’arriver un titre ovni un peu surprenant c’est pas plus mal et tu laisses par la même occasion planer le mystère sur le reste de l’album !

20 Syl : Ce qui était assez sain dans ce choix là c’est que c’était un choix spontané et immédiat… Je me souviens que quand on a fini ce titre je me suis très très vite dit, c’est celui là le morceau avec lequel on va revenir ! Ça a été remis en question par la suite mais je pense qu’on a bien fait de rester sur notre première idée…

Atom : En plus ce titre c’est le premier titre de l’album qu’on ai fini et il y a eu une espèce d’émulation… Ça faisait quelques années qu’on avait pas rebossé ensemble, c’était un peu symbolique car ce fut un peu un déblocage… Nous étions réunis et c’était repartit !

Adnsound : Une question plus généraliste, on a déjà quelques pointures du turntablisme venant de l’hexagone… Et j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de particulier dans notre approche du sillon… Comme une marque de fabrique…

20Syl : Ce qui est drôle c’est que j’ai l’impression que les seuls groupes de turntablisme qui existe dans le monde sont Français … Il y a Pulpalicious, Scratch Bandit crew, les Chineses Man et Birdy Nam Nam … Bon, en fait, il existe des producteurs comme Dan The Otomator, mais il n’y pas pas d’autres DJ qui se sont croisés et formés en compet’ qui ont tourné en tant que groupe !
S’il y a vraiment un truc je mettrais ça sur l’école. A la même époque, Birdy et nous sommes arrivés avec ce truc de créer de la musique avec quatre platines, et je pense qu’en toute humilité on a crée comme une espèce d’école … Nous à Nantes nous avons des potes qui ont suivi le truc et qui ont crée un collectif aussi, à la base ils prenaient des cours avec Grimm et on décidé de fonder le leur qui a été au DMC aussi. Ils s’appelaient les Franshdope et ont fini second !

Pfel : Au même titre que nous en sommes arrivés là du fait de nos influences…

20Syl : Ces modèles qui fonctionnaient ont un peu déteints sur plein de monde et c’est mortel de se dire qu’on a crée une scène. Au final on est quatre-cinq groupes à tourner avec chacun notre style.

Pfel : Enfin c’est là où réside une difficulté pour le public qui en matière d’électro à tendance à considérer que tout se ressemble. Mais ce qui est sûr c’est que nous possédons tous une identité bien forgée. Les Nam sont vraiment dans le délire electro voire techno minimale, les Scratch très hip-hop très break beat avec un gros travail de l’image et des outils et controleurs, les Pulp ont un univers plus électro, Beat Torrent aussi …

Atom : Depuis tout à l’heure je cherche un exemple de groupe étranger en dehors des collectifs de DJ qui participent aux compétitions…

Pfel  : Il y avait les Scratch Perverts mais ils n’ont pas fait d’album, quelques maxis tout au plus… Les XMen aussi…

Atom : Peut être qu’en France il y a aussi le facteur de l’intermittence… Chez nous, il y a besoin de faire des dates, ce n’est pas un statut facile à obtenir mais une fois que tu l’as ça te laisse le temps de te poser, de s’arrêter de tourner pendant plusieurs mois pour composer ! En Angleterre ou en Allemagne j’imagine que ça aurait été six cent fois plus compliqué de faire ce que nous avons pu faire !

20Syl : Pour ma part je mettrais ça sur le compte que nous ayons tout de même deux équipes championnes du monde en France, c’est tout de même une base solide pour te dire qu’il existe quelque chose !

Et en bonus ci-dessous le clip du titre ARCADE réalisé par Rémi Paoli

Crédits Photos : Williams Farkas (prise lors du festival JDM Edition 2012)

9 réponses sur « Interview C2C – 2012 »

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