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Interview – Les Shades: « Le rock, c’est un coup de poing! »

Une plongée vertigineuse dans la caverne de feu des « Herbes amères » ! Pour la sortie de ce 3ème disque, dissection de leurs chansons, avec le groupe Les Shades. Un éclairage nécessaire pour capter l’atmosphère et l’énergie chaleureuse de ces franciliens. Qui eux, savent étonnamment associer le rock à la langue de Molière !

En 2008, vous faisiez partie de la « Nouvelle scène rock française ». Trouvez-vous injuste de ne pas avoir eu le même succès que BB Brunes, avec vos 2 premiers albums (Le meurtre de Vénus, 5/5) ?

Etienne Kerber (guitare) : Ce sont juste les journalistes qui ont parlé de « nouvelle scène ». Tant mieux que ce groupe ait eu du succès. Mais on ne fait pas la même musique, donc c’est normal de ne pas avoir le même destin ! Les points communs avec eux, c’est d’avoir commencé aux mêmes endroits, d’afficher le même âge et d’être influencés par la musique anglo-saxonne.

Avec ces influences, pourquoi avoir choisi d’écrire en français ?

Harry Allouche (batterie) : Depuis l’époque de Jacques Dutronc et de Serge Gainsbourg, ce sont les anglo-saxons qui dominent le monde ! Tous les groupes français s’en sont inspirés. Nous, on a choisi un nom de groupe anglais et Benjamin chantait et écrivait en anglais au début. Comme on pense en français, on s’est donc vite demandé « mais pourquoi traduire ? ».

Etienne : Et puis, la puissance du français on la sent en concert. Les phrases fortes de Benjamin (le chanteur), elles scotchent. Dans les neurones, ça va plus vite quand c’est dans sa langue. C’est rapide et efficace. Le rock, c’est un coup de poing !

Le nouvel album Les Herbes amères en 3 mots : Fantasque, énergie, dinguerie.

1er titre : Hors de moi (En 3 mots du groupe : Voyages, Schizophrénie, Maupassant)

Qu’est-ce qui vous met hors de vous dans le monde actuel ?

H : Les couilles en or de Cahuzac, mais on n’est pas du tout un groupe de rock politique ! (rires)

E : Ce qui me met vraiment hors de moi, ce sont les gens aveugles à la souffrance de l’autre. Donc, tous ceux qui vont faire encore plus souffrir l’autre.

 

2ème titre : 1989 (En 3 mots : Génération, Frères, Allemagne)

E : C’est l’année de naissance de Benjamin. On en a fait une chanson générationnelle, pour tous les gens nés de ce côté-là du siècle.

Dans ce morceau : « Finir sans disparaitre comme des ordinateurs, s’éterniser sans n’être, s’ennuyer toutes les heures. » Au quotidien, vous pensez perdre beaucoup de temps avec Internet ?

H : Je pense qu’il n’y a pas une seule personne de notre âge qui ne soit pas geek ! On est tous pollués par cette merde.

E : Dès le matin, il y a toujours un enfoiré qui va te faire regarder une vidéo via un lien. Puis, tu vas cliquer sur les liens des autres vidéos. Ensuite, tu passes sur ton site de streaming musical préféré. Tu écoutes une chanson, puis une autre. Du coup, il est 19h et tu n’as rien foutu de ta journée. C’est comme ça que beaucoup de jeunes se retrouvent au chômage ! (rires)

 

3ème titre : La caverne (En 3 mots : Profonde, Platon, Truman Show)

D’où vient le rythme fou de la chanson ?

Benjamin Kerber (chant) : On avait la mélodie, mais pour arriver à ce son là, on a travaillé des heures note par note ! Ce long collage bizarre est devenu ce motif mélodique.

E : On s’est inspirés de Slash (guitariste phare des Guns N’ Roses) qui nous a donné des astuces pour faire un bon riff ! (rires)

4ème titre : Somnifère hallucinatoire (En 3 mots : Champignons, Sexe, Jet Lag)

C’est du vécu ? Vous recommandez ces médicaments pour planer ?

B : C’est le mari de ma prof de chant qui m’avait filé ce médicament pour dormir, après un voyage aux Etats-Unis. J’en suis devenu addict ! Je faisais des rêves fous et j’avais l’impression d’être enveloppé par des plantes.

Tu parles aussi de « pharmacien dépressif, chirurgien psychopathe », vous avez la phobie de la médecine ?

B : Ce sont des images qui viennent des personnages barrés de la série américaine « Mon oncle Charlie ».

 

5ème titre : Dans les artères vol.2 (En 3 mots : Bouchons, métro, PeaceMaker)

B : C’est une chanson sur Paris. Le contraste entre les travaux et les gens qui vont dormir par terre.

Vous en pensez quoi du projet du Grand Paris ?

B : La France est tellement un pays lent et conservateur, j’ai peur que ça soit long. J’aimerais que ça puisse arriver vite, pour le voir quand on sera vieux ! Nous, on a grandi à Montreuil. Depuis que l’on est petit, on nous parle d’un métro prolongé qui n’est jamais arrivé.

H : Pour le rock, il y a un frein économique pour répéter dans une ville petite et étroite. Donc oui, il faut que la banlieue devienne une vraie extension de Paris.

6ème titre : Nelly (En 3 mots : Grand-Mère, larmes, Pop)

B : Cette chanson parle de ma grand-mère dont le frère a été déporté. Quelques années plus tard, elle est revenue dans le village pour trouver celui qui l’avait dénoncé. Elle a voulu l’assassiner, mais elle n’a jamais pu.

 

7ème titre : Vertige (En 3 mots : Main, New York, Vertiges)

« Prends moi la main ou ton épaule, j’ai besoin de repos. Et si demain je me retrouve seul, vertige aura ma peau » : C’est une ritournelle pour les filles ?

E : Cette chanson parle d’un vrai vertige qu’à Benjamin avec les grands espaces. Le fait que l’on pense que ça fasse référence à l’amour, c’est qu’on a réussi le pari de traduire ses angoisses par de belles émotions.

 

8ème titre : Dernier cri (En 3 mots : Violence, hôpital, Bend)

En 2013, c’est quoi le « dernier cri » des garçons modernes ?

B : J’ai l’impression que les gens les plus modernes sont ceux qui se tournent vers le passé. Comme les synthétiseurs analogiques qui reviennent dans la musique actuelle, à l’image du nouveau Daft Punk.

9ème titre : Sang d’encre (En 3 mots : Age de Pierre, Tonton du bled, Trans)

Comment s’est construite la folle performance de la fin du morceau ?

E : Benjamin avait commencé par le traditionnel couplet/refrain. Très vite, on a voulu faire 3-4 minutes de transe à partir d’une note. C’est l’un de nos morceaux préférés du groupe, lorsque tu l’écoutes au casque.

H : Tu as vraiment l’impression que quelque chose va exploser à la fin !

 

10ème titre : De feu (En 3 mots : Lou, Fusil à camembert somptueux, Aéroport)

B : C’est une chanson d’amour toute bête dédiée à ma copine, pour conclure l’album. Mais, tout le reste du groupe est célibataire ! (rires)

 

Interview réalisée par Etienne Gin
Crédits photo:  Michela Cuccagna

Les Shades – 1989

 

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