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Interview – Jay-Jay Johanson: « Je ne suis jamais allé dans une école de musique »

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A l’occasion de la sortie d’un best-of retraçant sa carrière (de 1996 à 2013), accompagné d’un nouvel album Cockroach (sorti au début de l’automne), le discret suédois Jay-Jay Johanson s’est entretenu avec nous. Un univers comme un cocon tendre et sensible, parfait pour passer l’hiver au chaud !

Quand j’entends parler de ta musique, je pense à la mélancolie. C’est quelque chose qui te caractérise ?

De manière générale, je ne me considère pas plus mélancolique que la plupart des gens. Mais j’essaie de m’en servir pour créer quelque chose de beau. Je n’écris que quand je suis seul, loin de chez moi, quand ma famille me manque. En plus, j’écoute essentiellement des musiques mélancoliques. Ce sont celles qui me plaisent le plus. Je laisse à ceux qui m’écoutent le choix de dire si ma musique est mélancolique ou non.

Quand as-tu commencé ?

J’ai commencé l’écriture très tôt. J’avais 11 ans quand j’ai écris mes premières chansons. C’étaient des chansons pop. C’est vers 1985-86 que j’ai commencé à écrire des chansons plus tristes. Mais ce n’est que vers 1994 que j’ai vraiment trouvé mon style, que j’ai commencé à être fier de mon travail. Ce que j’écrivais devenait de plus en plus empreint de jazz. En 1994, on a enregistré notre premier morceau « The Girl I Love Is Gone », sorti sur l’album Whiskey en 1996.

Toutes ces évolutions étaient nécessaires pour aboutir à ta musique actuelle ?

Dans ma tête, il y a eu un seul changement… quand j’ai décidé de travailler avec un autre groupe et un autre studio. C’est à ce moment que j’ai décidé d’avoir recours à des sons plus électro. Ça a duré deux ans, je tentais de travailler avec d’autres gens. Ensuite, je suis revenu avec mon premier groupe. On a essayé avec plus ou moins de guitare, de batterie… mais pour moi ça reste la même veine !

Dans quelles conditions faut-il écouter ton nouvel album Cockroach pour l’apprécier ?

Probablement pas pour danser ! Pour se réveiller, ou le soir avant de sortir. Ma musique est plus forte à écouter dans la solitude, avec un casque. Mais je sais que des gens l’écoutent en voiture, pour conduire, pour des moments romantiques. Enfin, des gens créatifs s’en servent comme musique de fond pour peindre, créer un décor de cinéma. Beaucoup de gens m’ont dit que cet album était très bien en musique de fond pour aider à inventer.

 

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A l’heure actuelle, peut-on dire que tu proposes des albums de la maturité ?

Je suis devenu plus sage. J’ai appris de mes erreurs et je peux m’amuser quand nous partons en tournée. Je crois que le grand saut s’est fait il y a trois ans, entre Self-portrait et Spellbound. Mon écriture est devenue plus lyrique, plus poétique. Jusque-là, j’exprimais de la frustration. Une certaine naïveté, aussi. Je mûris petit à petit, et je vois que mon audience aussi. La plupart de mes fans me suivent depuis le début.

Cette sensibilité et couleur musicale jazzy correspondent à ton état d’esprit du moment ?

J’ai été ainsi depuis 30 ans. Je n’ai rien changé, forcé, créé. J’ai toujours vécu dans cette ambiance. Je n’arrête jamais d’écrire… un crayon et une feuille me suffisent ! Et quand j’en ai assez, je m’installe chez moi le soir ou la nuit dans le salon, près du piano. Et je travaille dessus pour en faire des extraits, pour me faire une idée des arrangements musicaux qui vont aller avec. J’amène après tout ça au studio. L’enregistrement prend six semaines ou deux mois. Mais l’écriture est permanente, je ne m’interromps jamais. Et puis, je sors un album tous les deux ans. J’écris même pendant les tournées.

Comment te vois-tu évoluer dans les 15 années qui viennent ?

J’ai l’impression que je ne fais que commencer, que je suis encore en plein développement. Ma musique n’était connue qu’en France et en Espagne, soudain vers 2000 j’ai été connu en Amérique du Sud. En 2005, j’ai commencé à avoir du succès en Russie et en Chine. Je fais moins de tournées aujourd’hui, mais j’en ai fait partout dans le monde. Je sais qu’à chaque concert en Chine, je vais avoir un public encore plus nombreux. J’ai l’impression que tout ça ne fait que commencer ! Je suis pratiquement certain de continuer pendant les 15 années qui viennent. D’abord, dans la même veine jazzy pendant au moins 4 albums. La suite sera sans doute plus instrumentale, j’ai envie de faire des musiques de films. Et je tiens absolument à enregistrer un album avec un orchestre symphonique. Au fil des années, beaucoup de femmes m’ont proposé d’enregistrer des albums en duo avec elles. Je ferai sans doute quelques albums en collaboration. On verra bien.

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Tu apprécies les chanteurs populaires appelés « crooners » ?

Des gens m’ont surnommé « crooner des temps modernes » dès mon premier album ! Les crooners, ce sont que des acteurs et des chanteurs. Moi, je suis plus un écrivain et un producteur. Mais si c’est à propos de ma voix ou de mon élégance, j’aime beaucoup la comparaison ! Je ne suis jamais allé dans une école de musique pour entraîner ma voix, il y a beaucoup d’effets que je n’ai pas appris à faire.

Même si la comparaison est faite avec des crooners plus « commerciaux » comme Michael Bublé ou  Jamie Cullum ?

Ils ont de bonnes voix, mais aucune créativité. Ils portent des costumes que les maisons de disques leur font mettre. C’est de la mascarade, ils n’ont même pas l’air à l’aise dans leurs costumes !

Instant chauvin : écoutes-tu de la musique française?

Avant de venir en France, je ne connaissais que Serge Gainsbourg. En Suède on n’a pas beaucoup importé de musique française. Elle est surtout anglaise et américaine. Mais il y a quelques albums de lui qu’on peut y trouver, et j’adore ceux qu’il a faits entre 1968 et 1971. J’ai découvert beaucoup d’autres grands musiciens en arrivant ici : Michel Legrand, Francis Lalanne. Sébastien Tellier est un génie à mon avis. J’aime beaucoup la musique française !

Pour conclure, ta musique en 5 mots ?

Belle, poétique, singulière, audacieuse et jazzy.

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Crédits photo: Michela Cuccagna
Propos recueillis par Etienne Gin. 

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