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Kyrie Kristmanson – Origin of Stars

La canadienne Kyrie Kristmanson sortait il y a un mois son premier album, Origin of Stars, une vraie réussite qui devrait vite faire oublier les ratages musicaux envoyés du pays de l’érable… Transportant les mélomanes le long de sa propre route musicale, entre les sonorités moyen-âgeuses inspirées de ses études en France – elle y a réalisé un travail universitaire sur les femmes troubadours – et les influences singulièrement jazzy qu’elle marie avec talent à sa voix multiforme, Kyrie Kristmanson est une excellente surprise. Impossible de la rallier à un quelconque courant ou de lui accoler des références précises tant Kyrie Kristmanson nous surprend tout au long de cet album. Sur Origin of Stars, elle passe ainsi d’un univers à l’autre avec fluidité, toujours juste et audacieuse, sans cesse en équilibre entre deux mondes et délicatement perchée au-delà de toutes les cases dans lesquelles on voudrait l’enfermer.

Un silence, quelques claquements de doigts et le bal commence. Il suffit à Kyrie Kristmanson de cet équipement minimum pour entamer en trombe son premier morceau, « Song X ». L’auditeur en vient à se demander si sa voix seule ne suffirait pas à faire un tube, tant ses élancements vocaux, ses hésitations calculées et ses a capella sont convaincants. La réponse est évidemment oui, comme le prouve l’écoute du dernier titre de l’album (cf. plus bas). Mais ici, l’instrumental, sobre, est là uniquement pour mettre en valeur la voix de la jeune Canadienne.

Les jeux vocaux auxquels se livre Kyrie Kristmanson sur Origin of Stars sont l’un de ses atouts majeurs : tantôt douce comme une enfant, l’instant d’après révoltée comme une adolescente pour finir implorante dans d’impressionnants élans – comme sur « Song for a Blackwind » – elle suffit amplement face à un instrumental souvent dépouillé. Alors, régulièrement, Kyrie Kristmanson se livre à des jeux vocaux : répétitions saccadées de syllabes, basculement dans les aigus… Même lorsqu’elle choisit la douceur, comme sur « Birdsong », la force retenue de la jeune Canadienne fait mouche. Emplie d’une ambiance plutôt dramatique, cette chanson, à l’instrumental plus complexe que d’autres de ses morceaux, se marie parfaitement à la voix de Kyrie, qui, dédoublée encore une fois, inonde l’air de ses chants de quasi-nymphe. A quelle incantation se livre-t-elle ? Dans quelle nature distille-t-elle ses vocalises ? La réponse n’est jamais donnée. Rien d’autre qu’une suspension toujours juste.

Notable aussi, son appropriation de l’univers jazzy, dans plusieurs de ses morceaux, comme sur « Eruption », où elle joue encore avec sa voix pour accompagner les saxophones et cordes d’hier et nous emporter dans son voyage temporel. Au milieu de cet ensemble jazzy, Kyrie Kristmanson prouve que ses talents vocaux sont largement à la hauteur pour d’autres types de musiques que l’habituelle folk de ses collègues féminines. Accompagnée de voix musicales et du brouhaha d’un bar ou d’une salle de concert, Kyrie Kristmanson, entourée de ses musiciens de jazz sur « Comet of Desire », réussit parfaitement la performance. Et jamais elle n’est meilleure que quand elle a l’occasion de prouver la force de sa voix. Talent particulièrement significatif dans ce morceau, où le saxophone et la chanteuse se passent le relais tour à tour, pour un dialogue musical des plus réussis. On croit volontiers à ses capacités de transformation en une comète de désir.

Peut-être sont-ce les titres des morceaux suivants qui influencent leur compréhension, mais toujours est-il que « Birdsong », « Wicked Wind » et « Origin of Stars » entament une nouvelle étape dans le voyage musical de Kyrie Kristmanson. Terminée l’ambiance jazzy ou l’a capella des morceaux précédents : ici, l’atmosphère change du tout au tout. Intimement liée à la nature, la voix se fait douce, comme pour apprivoiser un monde inspirant la nostalgie. « Origin of Stars » nous emporte d’une ambiance musicale à l’autre, d’une atmosphère jazzy festive à de délicates chansons, avec toujours la même justesse et le même talent. Onze morceaux comme autant d’occasions de montrer l’étendue de son talent, sa capacité à passer d’un univers à l’autre et à conduire l’auditeur où elle le souhaite. En effet, ce dernier, peu préparé à ce genre de voyage musical – et parfois même temporel – se laisse volontiers prendre la main… Sur le septième morceau, « Wicked Wind », la mélancolie prend le dessus. Capable de se rendre à toutes les ambiances, Kyrie Kristmanson adopte ici les guitares, la flûte et la voix, sobre et envoûtante, pour  exercer ses charmes. Parfois alors sa voix se fait celle de l’innocence, déchirée de son monde enfantin mais encore nostalgique de ce rapport quasi-fusionnel à la nature.

Touchante quand elle entonne son hymne à Montmartre, sobrement intitulée « Oh, Montmartre », dans notre langue, Kyrie donne une autre note à Origin of Stars. C’est un peu triste qu’on écoute cette interprétation toute personnelle des pavés parisiens, tout à coup source de nostalgie quand la guitare pleure seule, entre deux implorations émues de la chanteuse. Et hors de la tristesse aussi, l’émotion est palpable. La voix de Kyrie peut alors être impressionnante, comme le prouve « Song for a Blackwind », le dernier morceau d’Origin of Stars, où seuls les bruits nocturnes servent d’accompagnement à la complainte de la chanteuse. Profonde et émouvante, celle-ci termine en beauté, par ce morceau uniquement vocal, un album décidément très prometteur.

Label : No Format – Sortie : Mars 2010

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