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Interview Shaolyn Gen Zu – Avril 2010

« La Dinguerie », le titre de cet album reflète assez bien l’état d’esprit de « Shaolyn Gen Zu » ; dingues de musique, dingues de scènes, dingues de concepts, dingues de « freestyles de dingues »…un peu dingues tout simplement.

Pour les avoir vu sur scène, je peux vous affirmer que ce qu’ils font, ils le font à fond. Pour avoir suivi leurs innombrables actualités (jetez un oeuil sur le net, vous verrez qu’ils sont à la limite de l’hyperactivité !), je peux vous garantir qu’ils ont des idées et des choses à exprimer.

Justement, la sortie de leur cd est l’occasion d’écouter ce qu’ils ont à dire. Je retrouve donc les deux membres de Shaolyn Gen Zu pour une… « Interview de dingue ».

Pouvez vous présenter « Shaolyn Gen Zu » ?

« Mike Jack » et « Deehar Degaz », on vient de Montfermeil dans le 93. On fait du Hip Hop depuis les années 90. On a sorti déjà un street cd, « Microphone Check » en 2007 ; et là on revient avec l’album « La Dinguerie » sorti le 19 avril dans toute la France.

On a du mettre un peu plus d’un an pour le réaliser. On a prit notre temps, tranquillement.

C’est qui à la prod ?

C’est « Mike Jack » qui assure toutes les compos. En tout cas sur « La Dinguerie », il l’a fait à 100 %.

Après, il y a eu des reprises. On écoute des sons, si on kiffe, il le reprend et il met sa touche à lui. Ca donne un autre univers.

Est-ce que vous pouvez me parler un peu de « One Block », clip d’une vingtaine de minutes ?

Le but, c’était de rassembler les MC’s du quartier. Il y a beaucoup d’artistes chez nous, des artistes sur lesquels il n’y a pas assez de lumière. On trouve déjà qu’on est pas assez mis en avant, mais il y en a qui sont encore plus dans l’ombre que nous. Il y a même des anciens dont on s’est inspiré qui n’ont pas réussis à concrétiser leurs carrières.

On voulait faire un morceau fédérateur, c’est parti de là le projet. On a décidé de sampler « The Game feat Junior Reid », « One Love », pour l’unité ; pour amener cette unité dans le quartier, qu’on fasse des choses ensemble. Il y a de la créativité, mais chacun est dans son coin. On a fait ça avec peu de moyens et l’équipe à la réalisation.

Alors justement, c’est qui l’équipe ?

Il y a nous deux, « Shaolyn Gen Zu », il y a « Deskodiaz » deux potes à nous ; ça fait le collectif «  Violence » ; et d’autres qui rappent pas, « Many », « Malams », « Oussen ». Ca donne « Don’t Cry Records », un label. Ce qui est « Gen Zu » est « Don’t Cry ».

Pour sortir le cd, il fallait qu’on soit structurés ; il y a des frères qui sont avec nous depuis le début. Le mieux c’était de monter le label ; « Don’t Cry », parce qu’il ne faut pas pleurer sur son sort.

Et la signification de « Shaolyn Gen Zu » ?

Shaolyn, pour le combat quotidien et là d’où on vient chaque jour est un combat ; c’est le coté guerrier. Gen Zu c’est un mot de chez nous, de l’argot ; ça veut dire décharge électrique. Ca date d’avant, quand on trafiquait le courrant ; les grands frères avaient inventé ce mot.

Il y a un concept que je trouvais bien, c’est les « freestyles de dingue », ou vous allez dans les quartiers filmer les gens freestyler.

Notre but, c’est d’innover ; on voit que le mouvement est bloqué. Certains ont fait leurs groupes ; ils nous ont laissé de coté.

On est comme un genre de média, on va dans le quartier des gens, ça part en freestyle. C’est ça le vrai rap. C’est du réel, on va sur le bitume ! On a fait beaucoup de quartiers, on va en province ; le dernier c’était Chartres. On va essayer d’arpenter toute la France pour montrer aux gens les talents qu’il y a. Si on croise quelqu’un et que ça accroche, on garde le contact. Chacun a son univers en plus.

Passons aux influences.

Nous, on est des années 90, « Wu Tang », « Onyx », « 2pac »…après, on est vraiment large, il n’y a pas que du cainri, il y a aussi du français, ça nous a bercé. Ce qui nous a donné envie de faire du son, c’est les grands de chez nous, « la Bass Kourr », « Reciprok »…et puis d’autres, « Democrate D », « Expression Direct »…Mais on écoute pas que du rap, on écoute de tout. On aime la musique tout simplement.

En écoutant l’album, vous verrez qu’il y a plein de délire ; on a repris « Nirvana » par exemple, « The man who sold the world », d’autres trucs encore. Ca amène quelque chose de nouveau dans le monde du Hip Hop.

Quelle est un peu la couleur de l’album ?

C’est plus de la rigolade. Il y a des morceaux sérieux dedans, mais on a voulu délirer. On a fait vraiment ce qu’on avait envie de faire. Ca n’a pas été calculé ou formaté.

Il n’y a pas de thèmes précis. Justement c’est ça la dinguerie, tenez, on vous lâche le truc. Bon, après ça se suit quand même. On a pris notre temps pour écrire et pour la conception, puis on est allé en studio et on a tout laché.

Il y a des textes conscients comme « Ouvrez les portes » ; et puis des délires comme « Le téléphone arabe » dont on va faire le clip. Je pense qu’il va faire du bruit. ; C’est un thème qui n’a pas été exploité dans le rap français. Futur classique ! Tu vas écouter, tu vas te taper des barres !

On fait pas de calcul, que des trucs authentiques sans se préoccuper des tendances, c’est comme ça que naissent les meilleures choses.

Il y a quelque chose qui vous caractérise je trouve, c’est une conscience politique.

On est obligé. D’où on vient, ça été la cible de beaucoup de choses. Par exemple quand Sarkozy disait qu’il allait envoyer la police, le lendemain on voyait que c’était vrai. Il y a plein de choses qui se passent encore, des choses qu’on voit, on peut pas dire qu’on ne se sent pas conscerné ; même si on est pas des politiques.

On est obligé de faire passer des messages parce qu’on est au cœur de ce qui se passe. Il y a des trucs avec la police, il y a 40 % de chômage, même si on veut pas rentrer dans la politique on est obligé de relater ce qui se passe, ce serait une insulte de ne pas le faire.

On est obligé d’être contestataire.

Vous pensez que les choses peuvent changer ?

C’est de pire en pire ! Depuis les émeutes on en parle plus, mais c’est encore tendu ; ça a encore pété, il n’y a même pas deux jours. Rien n’a changé, ils ont fait des promesses qu’ils n’ont pas tenues. Le seul truc qu’ils sont en train de construire, c’est un commissariat, une vraie forteresse !

Il n’y a rien chez nous ; les gamins jouent dans la rue ; la plupart des jeunes sont au chômage ; le milieu associatif on le voit presque pas. Donc justement on essaie de faire nos trucs pour montrer aux plus jeunes qu’il faut se débrouiller soi-même. On est pas pessimistes, juste réalistes, si on fait pas les choses nous-mêmes, il ne se passera rien. En plus c’est pas un truc de ouf, avec peu, tu peux faire beaucoup.

Tout ce que tu peux voir de nous par exemple c’est nous-mêmes qui l’avons fait ; au début on a tapé à des portes, elles nous ont été fermées, donc on s’est fait une raison.

La seule exception, c’est pour les clips, ou on fait appel à des spécialistes ; pour le prochain à des réalisateurs par exemple.

D’ailleurs si on avait pu tout clipper, on l’aurait fait ; on a trop de visuels.

J’aimerais que vous me parliez de la scène, vous aimez faire de la scène.

Sans ça, ça sert à  rien. On a commencé sur scène ; à 11 et 12 ans, les scènes du quartier. C’est ce qui nous a donné envie de faire du rap. C’est là que tu vois les vrais MC’s. En studio, tu corriges, tu recommences…, t’as pas l’adrénaline de la scène.

L’année dernière on a fait une tournée d’un mois au Brésil pour représenter la France. Ca nous a donné encore plus d’expérience.

La scène, c’est vraiment notre truc, on se tue ; si t’arrive avec de l’énergie, que le public voit que tu mouille le maillot, il va te le rendre. Tu donnes tout, il donne tout ; c’est un échange et c’est ça qui est magique.

Qu’est ce que vous pensez de l’état du Hip Hop actuellement ?

On regarde pas trop. On est déçu de voir comment ça se passe, après avoir essuyé des refus. Les médias ont repris le mouvement et l’ont pourri, ils se foutent de ta gueule.

C’est devenu une industrie, du travail à la chaîne. Ils n’écoutent même pas ce que tu fais et te disent oui ou non. C’est grave ! Tout ce qui compte, c’est les thunes maintenant. Que tu sois bon ou pas, si t’as pas de budget, tu passeras pas. En plus maintenant les gens sont éduqués par des mecs qui n’ont pas de talents mais des thunes ; et ils disent que c’est du lourd. Il y a un vrai décalage.

Par contre ceux qui sont bons et qui vendent des cd’s, tant mieux.

Sinon, mis à part le clip, quels sont vos projets ?

Il y a aussi la marque de vêtements Gen Zu. On a eu l’idée en 2000 et on a commencé en 2002 ; tee shirts, pulls, accessoires…C’est pas évident de concilier musique et sape ; mais tous les étés on sort une série.

Niveau son, on va défendre l’album ; les portes sont un peu fermées, on a pas les possibilités de certains artistes, donc ça va prendre plus de temps. On a un autre album qui est prêt à 90%, mais on va d’abord exploiter jusqu’au bout « La Dinguerie », ce serait bête de ne pas le faire au maximum. En plus je pense vraiment que tout le monde peut s’y retrouver, tout le monde va kiffer au moins un son de l’album ; c’est mon pari.

Quand à la scène, on doit confirmer des dates ; et on cherche, tout ce qui est festivals, petites scènes … on est chaud !

Dernière question qu’évoque pour vous l’association des termes adn et musique ?

« Mike Jack » : la musique est dans mon adn !

« Deehar Degaz » : l’adn c’est unique chacun à la sienne et chacun a son style de musique.

Pour conclure, un simple appel ; personnel ; prenons le temps de nous intéresser aux artistes indépendants, ceux qui ne sont pas toujours sous le feu des projecteurs ; soutenons les, surtout lorsque ,dixit « Gen Zu », ils « mouillent le maillot », font des choses pour eux mais aussi pour les autres.

Si vous aimez le rap, tentez votre chance, enfilez votre camisole et laissez vous « embridinguer ».

Un grand merci à Mike Jack et Deehar Degaz pour cet entretien.

Myspace Shaolyn Gen Zu

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