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Interview – June et Lula: « C’est un album automne-hiver! »

Deux belles voix qui s’entrelacent toujours. Mais le dépouillement du début cède la place à des mélodies et des arrangements pop plus sophistiqués. Ce Yellow Leaves, le deuxième album du duo féminin June et Lula après Sixteen Times, propose un swing enthousiaste sur des histoires tristes. La preuve par la vidéo de Revert To The Wild, qui prend la défense des vaches ! Une évolution et des combats quotidiens qu’elles nous racontent.

Vous pouvez vous présenter en me décrivant votre manière de chanter ?

June : J’aime bien chanter haut et fort, grave et doux. Ma voix n’existerait pas sans celle de Lula. J’ai commencé à chanter avec elle.

Lula : C’est un peu différent, car je chante en dehors du duo. Le mélange de nos deux voix est plus complexe que de chanter seule.

Dans quel contexte avez-vous commencé à chanter ?

L : Moi, je chante depuis que j’ai 6 ans. June est violoncelliste à la base. Elle m’a beaucoup appris sur la théorie et la pratique. Notre rencontre est un échange de connaissances et de vécu.

J : Moi, j’ai pris du plaisir à chanter avec l’harmonie de Lula. Je n’ai jamais travaillé et vécu ma voix en solo.


Vous êtes nostalgiques de l’âge d’or du folk ou du blues ?

L : Pas du tout ! Même si cette période est une mine d’or. Je pense qu’il y a énormément d’artistes actuels qui ont du talent et qui sont très riches musicalement.

J : On vit très bien dans notre époque. Il suffit d’aller voir des concerts pour voir qu’il se passe pleins de choses extraordinaires.

Donc, c’est quoi vos disques de chevet ?

J : Le premier disque d’Antony and the Johnsons et les albums de Nick Drake. Et puis, comme tous les ados, Nirvana a été marquant dans mon parcours musical.

L : J’écoute de la musique récente. Mais en disque de chevet, ce serait de la  musique rock et jazz des années 50-60-70. Je citerais Revolver des Beatles, les morceaux de Cole Porter repris par Ella Fitzgerald et tout ce que je connais de la grande discographie de Nina Simone.

Quels sont les grands changements annoncés, par rapport au premier album ?

L : Je pense que l’on a beaucoup grandit en peu de temps. Du coup, on n’avait pas envie de refaire le même album. On a juste gardé les deux voix. La manière de composer est très différente. Les accords sont moins simples et les arrangements sont moins épurés. Les textes sont aussi plus personnels. Par rapport à la sonorité blues du premier, on a pris une direction pop 70’s.

Il y a des rencontres qui ont influencé ce changement ?

L : On a rencontrées beaucoup d’artistes : Moriarty, Sanseverino… On a pu parler de ce qu’on vit, ça nous a aussi fait évoluer.

L’album s’appelle Yellow Leaves, parce qu’il correspond à l’automne ?

L : On a commencé à écrire les chansons de l’album à cette période. La chanson titre est la description d’un tableau. L’image de ces feuilles jaunes qui tombent et qui doivent pourrir par terre. Sauf que l’hiver arrive en avance, et elles se retrouvent gelées.

J : C’est un album plutôt automne-hiver !

Ces saisons, c’est l’état d’esprit de l’album ?

L : L’album est très marqué par la mort. Mais pas d’un point de vue négatif, triste ou plaintif. On en parle de manière contemplative. Quand une personne disparait, tous les souvenirs prennent une autre couleur, une présence nouvelle. Comme les feuilles dans cette chanson.

On peut dire que chacune de vos chansons raconte une histoire. Vous écrivez ensemble ?

L : La plupart du temps, on travaille ensemble. Vu que l’on chante le texte en même temps, il faut que chacune se retrouve dans le texte.

Ce sont les choses qui vous indignent qui vous inspirent vos chansons ?

J : On commence un texte à partir d’un personnage. Il prend souvent une tournure inattendue.

L : Ce sont les choses auxquelles nous sommes confrontées au quotidien et que nous avons envie de partager. Par exemple, on est deux femmes dans un milieu essentiellement masculin. On a eu envie de parler de la violence faite aux femmes. C’est pareil pour la condition de vie des animaux.

C’est le thème de Revert To The Wild (« revenir à l’état sauvage »), le premier extrait…

L : Au début de la chanson, on peut penser que l’on parle d’une femme soumise à un homme !

J : Mais, on parle d’une vache qui est née et a été élevée en captivité ! Elle a été inséminée pour qu’ensuite on lui prenne son veau et son lait. Après tout ça, on l’a emmenée à l’abattoir. Finalement, qu’est-ce qui justifie que l’on traite ces êtres comme ça ? On aimerait imaginer des troupeaux de vaches à l’état sauvage qui vivraient leur vie. On parle des vaches, mais il y a beaucoup trop d’espèces qui sont domestiquées par les humains.

June & Lula – Revert To The Wild

Vous  êtes végétariennes ?

Ensemble : Végétaliennes !

J : C’est une prise de conscience. Je suis tombée sur des informations et des gens qui m’ont fait réfléchir sur l’industrie agroalimentaire. Je suis végétalienne depuis un an. J’ai surtout changé ma manière de consommer la nourriture. Je fais très attention à ce que j’achète et comment je me nourris. C’est assez incroyable, ça a changé beaucoup de choses. Je me sens plus à l’aise dans mon corps depuis que j’évite la malbouffe. Et je prends du plaisir à manger ! On dirait que je fais une pub, mais je ressens plus de sérénité et de bien-être. Il faut aussi penser qu’il y a d’autres espèces que les humains sur la planète. La domination que l’on exerce sur eux est pleine de haine et de déni.

L : Mais on n’essaye pas de convaincre les gens d’avoir ce régime là ! Pour le faire correctement, il faut vraiment le vouloir et ne pas être frustré. Il faut juste que les gens se posent des questions sur ce qu’ils mangent. C’est important d’être acteur et de savoir que l’argent que l’on donne participe à un processus agroalimentaire. A notre échelle, on y participe tous.

Et votre musique en 3 mots ?

Harmonie, duo, sororité

 

Propos recueillis par Etienne Gin
Crédits photo: Michela Cuccagna

 

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