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Micah P. Hinson – Micah P. Hinson and the Pioneer Saboteurs

Sorti à la fin du mois de mai dernier, le dernier album de Micah P. Hinson, intitulé Micah P. Hinson and the Pioneer Saboteurs, se place directement au rang des albums magnifiques. Une voix digne des rudes cow-boys d’antan, un désespoir qui vient contredire cette image et une importance accordée à l’instrumental : voilà les ingrédients apparemment incompatibles d’un album fort réussi et extrêmement prenant.

Micah P. Hinson livre ici un album profondément émouvant et majestueux. Le personnage torturé est lisible dans quelques-uns de ses morceaux qui, sans imposer ses névroses, les transforment en inspirations musicales. La mélancolie est obsédante sur « She’s building castles in her heart » et le côté répétitif de l’arrière-plan musical vient confirmer cette impression. Heureusement, le chanteur sait profiter de cette tristesse pour en extraire la beauté. En témoigne l’omniprésence des cordes qui, sans jamais verser dans le larmoyant, magnifient les autres instruments, accompagnant parfaitement le désespoir du chanteur. Ainsi du premier morceau, « A call to arms », une ode magnifique, quasi classique, loin de l’univers auquel les chemises à carreaux du musicien sudiste aurait pu nous préparer. Le ton est alors donné : il y aura quelque chose de grand dans cet album. Heureusement, rien de prétentieux ici. Lorsqu’on pourrait craindre le grandiloquent, Micah P. Hinson en revient à des titres d’un autre genre, davantage raccord avec son image de cow-boy texan. La voix se fait rocailleuse, la guitare sèche prend le relais et on se prend volontiers à la rêverie (« My god, my god ». Les paysages sans fin du sud américain, un rocking chair, la balustrade d’une maisonnette dans le désert et le décor est planté.

Musicalement, Micah P. Hinson ne s’installe pas confortablement dans sa case de chanteur folk-country. Une audace qui lui permet de s’essayer à des expérimentations originales : « 2s and 3s » en est un bel exemple. Sous ses dehors classiques, le morceau laisse place, sur les deux dernières minutes, à des effets sonores plus originaux et fort bien accompagnés par les instruments traditionnels. Le meilleur exemple reste cependant le dernier titre de l’album Micah P. Hinson and the Pioneer Saboteurs, « The Returning », une longue pièce qui débute par 7 minutes d’angoissantes expérimentations que viendront ensuite magnifier les cordes chères au chanteur. Impossible donc de véritablement cerner le personnage : tantôt maître d’un ensemble à cordes qui prend l’auditeur aux tripes, tantôt chanteur folk ou country, ou encore installateur d’ambiances angoissantes aux effets sonores expérimentaux, Micah P. Hinson semble maîtriser plus d’un style. Loin de se laisser emporter par cette maîtrise, il n’en perd jamais sa modestie et, dans toute la mélancolie de cet album, l’artiste se promène nonchalamment d’un genre à l’autre, sans jamais en faire trop. Parfois même, la voix ne sert que d’accessoire et s’efface derrière un instrumental plus efficace : sur « Stuck in the job » par exemple, ou surtout « Watchman, tell us of the night », où les chœurs grandioses et les cordes sont davantage les vedettes que le chanteur.

L’album de Micah P. Hinson est multiple. Parfois, son talent semble le porter vers les musiques d’ambiance, que l’on imagine facilement illustrant de longues scènes contemplatives et désespérées d’un film indépendant (le début de « The cross that stole this heart away »). Puis, c’est un chant aux accents folkloriques sur « The striking before the storm ». La chanson d’après, le désespoir profond point derrière un titre aux faux airs de pop efficace (« My god, my god »). On en viendrait presque à croire que s’il n’était pas aussi triste, avec une telle voix, Micah P. Hinson aurait pu briller dans un registre bien plus léger (« Dear Ashley »). Mais voilà : le drame est là et la voix déchirante vient nous le rappeler régulièrement. Comme pour nous placer face aux épreuves de la vie et tenter d’y apporter une harmonie dans ce chaos inattendu. Un défi qu’illustre à merveille le morceau clôturant l’album, « The Returning » qui, après avoir imposé sept minutes d’expérimentations parfois douloureuses, vient apaiser la saturation par ses magnifiques et émouvantes cordes.

Label : Pias – Sortie : Mai 2010

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