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Candy Cash – Candy Cash

CandyCash-CandyCash

Peut-être trop vite estampillé trip-hop, le duo français Candy Cash sort son premier album, sobrement intitulé Candy Cash, en septembre prochain. Avec James Saucerfull l’arrangeur et Pandra la chanteuse, ouvrons la boîte de Pandore…

Hélas trop souvent faire-valoir mutuels, la musique et le chant se disputent la vedette, laissant l’auditeur sur le carreau, assourdi par le spectacle de leur querelle d’amoureux. Oubliez ça. Chez Candy Cash, pas de chant bridé par un instrumental envahissant ; pas de musique soumise par une voix importune. Dans la disharmonie volontaire, c’est tout un monde qui surgit du mariage entre le talent d’arrangeur de James et les variations vocales de Pandra. Peut-être peine-t-on parfois à suivre les circonvolutions musicales de l’un et de l’autre, mais voilà l’essentiel : eux connaissent le chemin de cet inextricable labyrinthe et voilà l’auditeur qui assiste à cette errance fantaisiste. Mieux encore : loin de la passivité du mélomane bercé par des mélodies faciles, celui-ci est pris à parti, parfois contre son gré. Accroché aux surprises du duo, il est à son tour entraîné dans le malaise qui naît ça et là, d’arrangements expérimentaux ou d’une envolée trop haut perchée. La montée en intensité de « Motion », les cris et le gong qui inaugurent « Missed opportunities »… les illustrations ne manquent pas.

Hasard ou superstition, l’exemple-type en est la treizième chanson, « Madorcha ». Est-ce la bande-son d’un film dont la voix de Pandra épouse les formes pour mieux enrichir son univers ? Toujours est-il que l’angoisse qui se dégage de ces secondes lancinantes, ponctuées par un gong dramatique, oppresse aussi l’auditeur. Même les sonorités déjà utilisées dans d’autres morceaux, alors innocentes, se teintent ici d’une couleur tragique : les carillons retentissent comme les clochettes d’un traîneau fantôme et les démultiplications vocales de Pandra encerclent un auditeur pris au piège. Qui est alors poursuivi ? La chanteuse, actrice du drame qui nous est donné à écouter ; ou bien nous, étreints par cette chanson dont on ne parvient à se dégager que lorsque les remous musicaux s’arrêtent ? Une interrogation qui se maintient tout au long de l’album, nous entraînant dans un chancèlement auquel on prend très rapidement goût. Pourtant, comment ne pas déserter les rivages de la méfiance à l’écoute de ces « Sweet rabbits », perle de l’album où la voix enfantine de la chanteuse s’accorde parfaitement avec les pépiements des oiseaux, les carillons ou encore les murmures nocturnes que la nature lui cède ?

Tant sur le plan instrumental que sur le plan vocal, chaque morceau apporte ainsi son lot de surprises. A l’écoute de cet album, on ne peut réprimer le parallèle avec Cocorosie, dont la musique repose sur une inventivité musicale hors normes. Chez Candy Cash, on retrouve ce même appétit de l’expérimentation musicale, si bien qu’il est difficile pour les amateurs de catégories d’enfermer le groupe sous une seule étiquette. Question voix, tantôt les élans de Pandra ont des accents Spektoriens indubitables (en particulier sur les morceaux piano-voix frôlant le loufoque comme « Fixion »), tantôt Björk s’impose comme référence. L’instant suivant, la chanteuse explore des régions plus rauques pour mieux nous surprendre. Quand bien même on se croirait en terrain connu, la voilà qui profite du miracle de l’électronique pour se démultiplier, ici lointaine et aigue, là proche et grave… Et les fantaisies de James ne sont pas vraiment là pour apaiser notre perplexité : trip-hop, délire cinématographique, sonorités électro (voire techno sur « Montmorency »)…  Alors, vient le moment où la volonté de savoir prend fin. Epuisés, il ne nous reste plus qu’à écouter simplement les pépites de Candy Cash, merveilles d’inventivité.

Et voilà la grande force de cet album : nous faire entrer dans un univers onirique, un jour innocent, le lendemain effrayant, mais toujours fascinant. Un univers dont chaque morceau serait une contrée à explorer, avec ses dangers et ses richesses, ses nuits et ses jours, ses fées et ses démons. Le voyage commence dès le premier morceau, qui, de ses sonorités intra-utérines et de ses carillons, nous gratifie de deux minutes instrumentales somptueuses, dont l’ « Extro » final se fera l’écho. Bruits de rue, clochettes, foule lointaine, extraits de films, chant d’oiseaux et sons nocturnes ; tous se mélangent au long de l’album, comme tissant une nouvelle géographie musicale, fantasque mais harmonieuse. Après la traversée de ces temps suspendus, de ces lieux rêvés et composites et de ces émotions variées, c’est un voyage dont on ne ressort pas indemne qui s’achève, dans la pureté du silence.

Myspace Candy Cash

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