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1995 – DJ Lo – Interview – 2012

Cela fait plus d’un an et demi qu’ils font du bruit. Le groupe 1995 est en tête d’affiche de la plupart des grands festivals d’été de France, y compris le Orange Rockcorps, dans lequel le volontariat vous offre une place de concert. Pour comprendre leur univers musical, ADN Sound s’est adressé à Dj Lo’, le beatmaker de l’escouade. La rencontre a lieu dans un petit café du Ier arrondissement de Paris.

Comment est née Lowfficieux, ta première mixtape ?

Il faut mettre les choses au clair par rapport à cette histoire de Lowfficieux. Sur cette mixtape, j’ai fais exclusivement un travail de Dj, pas de producteur. Je ne suis donc pas auteur des instrumentales. J’étais pas très bon avec des platines mais avec Eff Gee, etAlpha Wann, je me suis dis : « Pourquoi pas enchaîner des sons et en faire une mixtape ? ». C’était en juillet 2009. Je venais de recevoir un peu d’argent pour mon anniversaire et j’ai investi dans deux journées de studio. Tout le monde est passé ! Eff Gee, Melo MendesP.O.S (ancien nom de 1995). Ca a été le point de départ. Et donc depuis, je me suis mis à la production.

Tes influences ?

Je peux pas dire que je suis un dingue de jazz mais plutôt de soul. La funk, le rock que m’a toujours fait écouter mon père et la deep-house sont autant de sonorités très diverses qui forment mon univers musical. Et évidemment le rap ! Qu’il soit français ou américain. Je pioche vraiment partout. Et si pour le moment ce que je maîtrise un peu c’est les instrumentales hip-hop, le jour où je sentirai que j’ai envie de me mettre à autre chose, je n’hésiterais pas à m’y coller. Je bosse même actuellement sur des morceaux electro. C’est pas encore au niveau que je souhaite atteindre mais j’essaie. Si je sens que c’est bon, je continuerai. C’est pas un projet mais une possibilité. Pour le moment ce qui me fait vraiment kiffer c’est de travailler sur un beat hip-hop pour qu’un rappeur pose dessus.

Tu es musicien ?

Pas du tout ! Mes parents se sont cassé les dents à essayer de m’apprendre la musique quand j’étais petit. J’ai fais de la flûte, de la basse et du piano. Quand c’est pas pour faire des beats, je suis un énorme flemmard… J’ai arrêté l’école dès que j’ai pu. Le sport, n’en parlons pas ! Mais vas comprendre pourquoi quand je suis derrière ma MPC et ma platine, je suis aux anges.

Ton matériel ?

Je travaille sur une MPC 1000. J’utilise très peu les logiciels parce que j’ai très peu de connaissances en termes de mix. Je pars d’un, deux ou trois samples à la fois, je les recoupe et c’est tout.

Tu peux passer combien de temps sur une instru ?

Ca dépend des morceaux. Parfois, le sample sur lequel je tombe est facile à réutiliser et en trois heures j’ai quelque chose qui sonne. Dans ce cas je l’enregistre et l’envoie au MC auquel je pense. Une fois qu’il a enregistré ses pistes séparées de voix, je m’occupe du mixage. D’autres instrus peuvent me prendre beaucoup plus de temps. Une fois j’ai passé toute une semaine sur une chanson, mais c’est vraiment le maximum. Un jour j’avais fais une instrumentale dont j’étais vraiment fier. Je devais rejoindre Nekfeu à côté de chez lui et j’étais en retard. Du coup j’ai laissé ma MPC allumée en partant. Énorme erreur que je regrette toujours… En rentrant chez moi, la machine était toujours en route mais… plus rien dessus ! Il se trouve qu’il y avait eu une coupure de courant dans mon immeuble. Tout mon travail avait disparu, je m’en suis mordu les doigts. C’était un projet pour Lomepal il me semble.

Tes morceaux dont tu es le plus fier ?

Difficile à dire. J’ai des projets en tête, qui sont pas encore sortis et qui ont d’après moi un gros potentiel, notamment des morceaux pour le premier album solo de Nekfeu. D’autres intrus pour mon EP, qui commence à prendre forme. Il y en a bien un dont l’aboutissement m’a vraiment réjoui, c’est Train de Vie de Fixpen Sill. J’étais tombé sur ce sample à l’époque où je commençais tout juste dans le beatmaking et je l’ai travaillé à plusieurs reprises. La première fois, c’était à jeter parce que j’avais aucune technique. Je l’ai ressorti quelques mois plus tard pour un deuxième essai. Toujours pas convaincu. Un en et demi après l’avoir commencé, je l’ai envoyé à 1995 pour en faire l’instru de On s’arrête pas. C’était trop lent pour eux. Finalement un jour Kairo, qui bossait sur l’EP de Fixpen Sill, Le Sens de la Formule, est venu chez moi pour écouter quelques trucs. Il est reparti avec Une Affaire Durable et  Train de Vie. C’est seulement quand le projet est sorti que j’ai écouté le résultat final et j’ai trouvé ça dingue. L’introduction est brute et ils ont bien laissé la place à la musicalité du refrain. Comme autre morceau que j’aime beaucoup, il y a Ca s’passe ainsi de Nekfeu. Il date de décembre 2009. Le mix a beau être dégueulasse et pas professionnel du tout, mais j’ai aimé la manière dont on a fait cette chanson. A l’époque Nekfeu et moi avions tous les deux des problèmes par rapport à des histoires avec des producteurs. On a créé ensemble ce soir-là dans ma chambre. Il écrivait pendant que je fabriquait le beat. C’est assez rare de travailler comme ça et je pense que c’est ce qui a donné une vrai âme à ce morceau.

Tes collaborations passées ? A venir ?

Je recommande clairement un certain MC de Bruxelles qui s’appelle Caballero. Ca nous tous mis une claque quand on a écouté son Freestyle de la Cigarette Fumante. On l’a découvert justement quand on était en Belgique. Lomepal, qui est un bon pote, prépare un EP avec lui et m’a proposé de lui en fournir les instrus. L’EP sera disponible en téléchargement gratuit bientôt.

Celles que tu aimerais réaliser ?

Tout simplement des types que j’écoute régulièrement. Autant des américains que des français. Ca me plairait vraiment de travailler avec 20Syl de Hocus Pocus, ou Orelsan particulièrement. Mais vraiment il y en a tellement. Si on cherche bien en France il y a des dizaines de bons rappeurs avec qui une collaboration serait la bienvenue.

Musicalement, tes productions sont différentes de celles du rap actuel. Comment l’expliques-tu ?

Cette façon de travailler avec des samples et des boîtes à rythme a toujours existé. Depuis le début du hip hop et même dans les années 2000. Ca s’est jamais arrêté. Je pense que les médias jouent beaucoup sur ce qu’on entend. Ceux qui en ont le pouvoir ont du se dire « Non, ça se vend plus les samples ». Ou ça peut aussi être les beatmakers eux-même. Après avoir pris plusieurs procès pour des histoires de droits et l’impossibilité de passer certains morceaux en radio, beaucoup ont du se mettre à composer. Le problème c’est que la plupart étaient des types comme moi. De fil en aiguille ça donne des instrus de merde. De notre côté on fait des samples, ça marche, mais je pense pas que notre succès soit seulement lié à cette différence musicale. L’image qu’on renvoie est claire et sincère. On se prend pas la tête et on veut rester authentiques. Après c’est sûr que ça fait plaisir de ramener cette manière de travailler au goût du jour.

La Source est un projet bien plus puriste que La Suite. Vous avez cherché à vous adapter à un public ?

On nous a un peu critiqué pour le morceau éponyme du deuxième EP La Suite. C’est vrai qu’il a un peu plus un format radio que ce qu’on fait d’habitude. Mais on s’est jamais dis « Ah ouais on tient un single, ça va cartonner ». L’instru que j’ai faite est joyeuse, entraînante et les MC voulaient rapper des choses dans le même esprit. Alors oui ça chante, ils ont voulu essayer. Ca plaît à certains, pas à d’autres, mais c’est pas grave. Nous on s’éclate à faire ça. Dans Bouffons du RoiAlpha Wann rappe en anglais. Je trouve ça marrant. Il a voulu tenter un truc et ça rend plutôt bien. C’est ça qui est cool avec 1995 : ils n’ont aucune limite. Le tout c’est qu’on évolue pas en fonction de ce qu’on nous demande. Ce genre de mentalité nuit à l’art et nuit au hip hop. Je pourrais te citer une tonne d’artistes qui ont explosé du jour au lendemain et dont le train de vie a changé radicalement. Le problème est que ça se ressent dans leur musique. Nous, on vit tous au même endroit qu’il y a deux ans.

La minute promo ?

Je prépare mon EP. Je pense qu’il sera disponible en septembre mais je prends mon temps. J’ai un autre projet avec Areno Jaz (1995) en solo. J’avais déjà travaillé sur son premier projet Daryl Zeuja sur lequel j’avais fais les intrus de J’vends d’la rime et de Les Gars. Aussi on se lance avec 1995 pour l’album pour début 2013 ! Et il y a aussi l’EP deLomepal et Caballero qui est en route.

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