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Suuns Live – La Maroquinerie – 11.2011

C’est en 2010 que l’on voyait débarquer dans les bacs un album mystérieux, Zeroes QC, d’un groupe encore inconnu, Suuns. Dès la première écoute, l’ambiance noire, tendue et presque malsaine du groupe venait nous interpeller par des rythmes synthétiques, mécaniques, venant rappeler le post-punk, et surtout des paroles percutantes balancées par une voix nonchalante. Les Canadiens inclassables de Suuns ne faisaient décidément rien comme tout le monde et ce soir, la Maroquinerie va tester le fort potentiel de ces OVNIs de la planète indie.

Nous avons tous subis, un jour ou l’autre, la solitude et l’ennui face à une première partie de concert qui nous laissait de marbre ; emplis de bonne volonté, vous tentez d’abord d’entrer dans les compositions, de vous concentrer pour laisser la musique vous parler. N’y parvenant pas, vous faites au moins l’effort d’analyser la consistance de la démarche : là encore, en vain. Ce sentiment a dû animer plus d’un spectateur durant le set de Neonbirds ce mercredi.

Le duo français, composé d’un chanteur-guitariste et d’un bidouilleur électro, avait pourtant bien débuté : un premier titre percutant, rythmé, soutenu par un chant parlé façon Wire. Là où Colin Newman peut se permettre cet écart, rapidement contrebalancé par une instrumentation riche et étoffée, Neonbirds vont se casser les dents en tentant de jongler entre rythmiques électro cadensées et jeu bruitiste de guitare. Le set manque cruellement de naturel : une gestuelle bordélique, forcée, façon Thom Yorke épileptique dans le clip de Lotus Flower, mais surtout, des compositions sans nuances, suivant toujours un schéma similaire : rythmes calibrés dancefloor, quelques sons provenant de la guitare, chant monocorde. Si une partie du public fait preuve d’intérêt, la suite de la soirée viendra nous prouver que le mariage électronique et instruments est possible sans tomber dans les clichés.

Les spectateurs sont venus nombreux pour applaudir le groupe mené par Ben Shemie. Il faudra de longues minutes aux musiciens pour installer les nombreuses pédales d’effets et autres claviers nécessaires et lorsque les lumières s’éteignent, les spectateurs semblent déborder d’enthousiasme pour accueillir Suuns.

Le groupe choisit une entame judicieuse sur Red Song, dont on a pu découvrir le clip inquiétant sur la toile quelques jours auparavant ; ce nouveau titre nous permet de cerner d’emblée l’univers et les ambitions des quatre Canadiens : une musique sombre, mélange de sonorités électroniques et d’instrumentations live, basée sur la répétition et une rythmique très lente et ce chant, lancinant, susurré primitivement par Ben Shemie. L’auditeur est baladé, se demandant si finalement, la composition restera en suspens ou si, au contraire, elle explosera au moment le plus inopportun. Car là réside tout le génie créateur de Suuns : leur sens de la surprise et leur maîtrise de l’évolution des morceaux les placent totalement à part dans l’univers indie trop polissé qui sévit actuellement.

Ils ont décidé de créer un son novateur, sorte d’amalgame entre le post-punk, le rock, la pop et l’électro ; n’empruntant jamais le chemin de la facilité et du calibrage mélodique, ils réussissent cependant à composer de véritables tubes, à l’image d’Arena, morceau enivrant avec une montée en puissance ahurissante. N’hésitant pas à nous faire découvrir de nouveaux morceaux, ils ponctuent néanmoins leur set de leurs pépites inimitables issues de leur premier et unique album : Zeroes QC. Max Henry, bassiste et claviériste, réussit à revisiter chacun des morceaux en leur apportant quelques nouveautés tandis que Ben semble totalement absorbé par la prestation : un visage très expressif semblant difficilement contenir le trop-plein d’émotions qui le submerge. Il ne dira pas un mot au public pendant plus d’une heure et quart pour finalement, avant le premier rappel, annoncer que quelque chose d’électrique est palpable dans la salle. Les spectateurs paraissent partager son point de vue et il est vrai que Suuns aura réussi ce soir à nous embarquer totalement dans leur univers étrange et inquiétant, pour notre plus grand plaisir.

Chronique : Amandine Henon Crédits photos : Brian Ravaux


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