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Interview – Nyato – 02.2011

Nous sommes à la Maison des Métallos à Belleville pour un concert organisé par une association du quartier. Rendez-vous pris avec Nyato, un artiste complet et ouvert qui nous parle de son album en préparation et de sa vision du rap.

– Bonsoir, peux-tu te présenter ?
Moi c’est Nyato, rappeur du 94 ; mais surtout beatmaker/compositeur. Mon premier clip est sorti il y a plus d’un an, il s’appelle « Lève le Poing » et le dernier, le troisième, s’appelle « Barroudeur du Ghetto ».J’ai un album en préparation.

– Tu as souvent collaboré avec Kennedy, G Flow et Gas du collectif « Diez 31 Diez ». En fais-tu parti aussi ?
Non, je n’en fais pas parti, mais je considère que c’est la famille. C’est des gars avec qui j’ai grandi, mais j’ai décidé d’avoir une vision omnisciente de mon travail. Je veux tout gérer de A à Z. J’ai donc fait le choix d’être seul ; j’écris, je rap et je compose !

– Ton projet va sortir en indé ?
Là c’est parti pour être en indé. Mais il ne faut pas se leurrer, il y aura un problème de moyens qui va se poser, donc si j’ai le soutien d’une structure, pourquoi pas.

– Pour quand est prévu ton projet ?
Je me fixe un an. Sachant que j’ai composé tous les morceaux, il me reste l’écriture. Je compte aussi sur la participation de plusieurs personnes, donc ça ne va pas être facile à gérer.

– Les morceaux clippés  seront-ils sur le projet ? Ou est-ce que c’était juste pour le buzz ?
Faire le buzz dès le premier clip, c’est pas évident, surtout quand on n’a pas accès à certaines plates formes. Avant tout, je veux déjà me faire connaître, qu’il y ait une certaine visibilité. Tant qu’il y aura de la qualité, tant que je serais productif, le buzz arrivera. Je pense que les morceaux seront sur l’album mais peut être qu’entre temps je serais passé à autre chose, je serais dans un autre état d’esprit…En tout cas, ils ne seront pas mis en avant, mis à part « Barroudeur du Ghetto » pour lequel j’ai une affection particulière.

– Qu’est ce que tu penses de l’évolution du rap depuis Yo ! MTV Raps jusqu’au style du rap d’Atlanta ?
Il faut en tenir compte. Maintenant se pose la question du décalage de générations, décalage de point de vue ; c’est malheureux mais je pense que le hip hop a pris une drôle de tournure.
Depuis que je suis dedans, le hip hop a toujours évolué. De 91 à 93 il s’est passé des choses, puis de 93 à 97, de 97 à 2001… ; il y a toujours eu une évolution, mais cette tendance un peu electro commence à dénaturer le hip hop. Il y a un truc en moins. Il faut aussi faire avec, mais c’est dur ; nous on s’est construit avec « Mobb Deep », « EPMD », « Souls Of Mischief », « Big Daddy Kane »…

– Dans un de tes morceaux, il y a un artiste qui fait un solo de guitare ; est ce que tu as été aussi influencé par le rock ?
Bien sur, je suis grave influencé par le rock ; d’ailleurs dans mon projet, il y aura des morceaux qui sonneront clairement hip hop/rock, avec guitare électrique…
Avant d’être tombé dans le hip hop, mes seules références musicales étaient pop, comme « Téléphone ». A l’époque il n’y avait pas de rap ; donc le rock fait parti de mon univers musical. Même si j’écoute beaucoup de rap, il n’y a jamais de mal à écouter un bon gros morceau de rock !
Et puis en tant que beatmaker, en tant qu’artiste, je dois m’ouvrir. C’est nécessaire ! Ça enrichit ma manière de composer et de voir les choses.

– Comment s’est passé la collaboration avec ce guitariste?
J’étais au boulot et un collègue me dit qu’il connaît quelqu’un qui fait du son, mais rien à voir avec ce que je fais. Je lui dis qu’il n’y a pas de soucis pour le rencontrer car ça peut justement apporter un truc particulier. Je lui ai donc fait écouter mes morceaux, il a kiffé. Puis il m’a fait écouter les siens et j’ai kiffé aussi. Quand j’ai mis le morceau « Barroudeur du Ghetto », il a pris sa guitare. Je me suis dis : Oula qu’est ce qu’il me fait ?! Il va bousiller mon morceau ! Là il se lâche et à la fin j’étais sur les rotules ! Quand il faisait son solo, j’en pouvais plus !
Voilà comment on a collaboré. Si demain on me présente un violoniste, un accordéoniste…je dis, viens ! Si on peut faire un truc qui tue…
J’ai envoyé le clip à des contacts à New York ; ils ont kiffé. Je croyais qu’ils allaient me parler de la prod, mais ils m’ont parlé du solo de guitare !…

– Dans tes clips, il y a pas mal de chorégraphie. D’ou vient cet intérêt pour la danse ? Cherches-tu à faire le lien entre les différentes disciplines du hip hop ?
La danse; ce n’est pas un hasard. Je suis quelqu’un de HIP HOP ! Avec tout ce qui va avec : l’état d’esprit contestataire, la danse et le graff, que l’on voit aussi dans mes clips.
Encore une fois je déplore cet effritement de l’état d’esprit hip hop, autant en France qu’aux Etats-Unis. Maintenant, c’est la mise en avant du coté bling-bling, l’argent…

– Est-ce que tu pourrais qualifier ton rap ?
Je ne peux pas mettre mon rap dans une case. J’ai plusieurs facettes. Un jour je vais faire un rap conscient, un jour un slow, un jour un égotrip…Le leitmotiv par contre, c’est rester hip hop.

– On sent dans tes morceaux l’importance du coté citoyen, l’implication politique et sociale. D’où ça vient ?
C’est déjà lié à mon métier. Je travaille dans le social. Je suis confronté à certaines aberrations, je vois certaines carences. Il y a un rapport assez particulier des jeunes avec les institutions.
Ce sont des choses que je dénonce, en espérant que le message passe. Il me paraissait nécessaire d’en parler.

– Comment est née l’idée des projets «Voilà un Autre Monde » et « J’aime mon Quartier » auxquels tu participes?
Ces vidéos ont été montées dans le cadre d’un festival, « Regards Jeunes sur la Cité », qui a lieu tous les ans à Paris, organisé par l’association « Oroleis ». Ca donne l’occasion à tous les quartiers de France de participer au concours à travers l’élaboration d’une vidéo dont eux-mêmes choisissent le thème.

– Certains des jeunes présents dans ces vidéos, seront-ils invités sur ton projet ?
Oui ; il y en a un qui s’appelle « Little Brams ». J’ai déjà enregistré un morceau avec lui, c’est un très bon rappeur, c’est étonnant vu son age. Il a 16 ans et est déjà technique.
A notre époque, on cherchait à tout pris à être technique, à rapper dans les temps ; contrairement à maintenant, ou les gens rappent n’importe comment. Il n’y a plus de notion de technique ; alors ça fait plaisir d’avoir à faire à des jeunes qui y prêtent importance.

– Raconte-nous cette anecdote au Cameroun en 91 ?
Voilà comment je suis tombé dans le hip hop, ça m’est tombé dessus par hasard. Avant j’écoutais « Mickael Jackson », « Madonna »…, comme tous les jeunes de mon âge ; puis un jour, je vais à un tournoi inter quartiers. Je marchais sur une route à Yaoundé qui va de Mendong à Nsimeyong ; et d’un coup je vois un mec qui arrive en voiture, avec un son lourd ! Je me demande c’est quoi ? Une sonorité différente ; je subis un choc ! Et là j’entends « Easy, Easy …Easy to Remember… », puis les gars sortent de la voiture et se mettent à hyper. Je me dis : c’est quoi ce bordel ?! C’est quoi ce délire ?! Un choc !
Après, j’apercevais des images à la télé ; le hip hop ,ça c’était un truc de fou ! C’était LA musique !
La même année, je rentre en France. En allant chez un oncle, je regarde ses vinyles et j’en vois un avec un rappeur qui portait une paire de baskets Ewing de profil sur la pochette. Il fallait que j’écoute ça ! Un morceau de rap ! J’étais en surkiffance. A partir de là, je me suis mis à chiner, je cherchais partout, il fallait que j’entende du rap !
Je tombais des fois tard le soir sur des morceaux à la radio ; puis ça a été les cassettes de clips enregistrés sur MTV qu’on faisait tourner entre potes. Pour nous c’était un trésor. C’était rare à l’époque, il n’y avait pas de paraboles. L’émission « Yo ! MTV Raps» nous a tués ! Alors maintenant quand je vois MTV Base, je me dis, c’est dur !

– Pour finir, dans le clip « Monsieur le Président », on voit des gens avec des masques de Chirac ; pourquoi pas Sarkozy ?

On m’a souvent posé la question. Je ne voulais pas rentrer dans ce stéréotype. C’était trop facile Sarkozy.

Voici un rappeur qui met en avant ses convictions, ses goûts et son éclectisme … On attend de le revoir à la sortie de son album.

Crédits Photo : Histo – Interview Réalisée en collaboration avec Paul

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